Quand la Poste délègue et se défausse
La Poste était un grand service public. Et si son statut a évolué, elle a toujours quatre missions de service public. Le site internet du groupe les rappelle : ” le service postal universel, la contribution à l’aménagement du territoire et l’accessibilité bancaire et le transport et la distribution de la presse“.
Nous sommes dans une situation très particulière, c’est une évidence. La protection des travailleurs est un devoir. Mais la façon dont la Poste se déleste sur des tiers de ses missions de service public laisse songeur. J’en prends deux exemples, dans le Cher et, j’en suis sûre, ailleurs en France.
D’abord, le maillage des points de contact : il n’y avait, du 19 mars au 6 avril, que 9 bureaux de poste ouverts dans le Cher. Il y en a désormais 19 de plus. Mais ce sont 30 agences postales communales qui assurent la continuité du service. Et comme elle juge que ce n’est pas assez, la Poste “a sollicité les maires pour la réouverture des agences postales communales afin d’accroître l’accessibilité au réseau de proximité“. On est heureux de savoir que la Poste, après s’être retirée, se soucie de la proximité ! Avec cette extraordinaire proposition : ” La Poste accompagne les maires qui rouvriront leurs agences postales communales par la mise à disposition de matériels de protection pour les agents territoriaux : plexiglas, gel, masques, lingettes“. La Poste n’est pas en mesure de fonctionner … mais elle invite les maires à mobiliser leurs agents.
Ensuite, l’accessibilité bancaire : il s’agit de l’obligation faite à la Banque postale d’assurer gratuitement un certain nombre de services de base. La Banque postale est, de fait, la banque d’un très grand nombre d’allocataires de prestations sociales. Si beaucoup d’entre eux ont la possibilité de retirer leurs prestations par l’intermédiaire d’une carte bancaire, il reste un certain nombre de personnes qui retirent directement leur argent au guichet. Inquiète de la fermeture des bureaux de poste d’Asnières, de la Chancellerie, des Gibjoncs et du Val d’Auron, j’avais alerté la direction de la Poste et les collectivités sur les difficultés qui en résulteraient pour les clients/usagers/allocataires. Le bilan, transmis hier est le suivant : “L’affluence attendue aux guichets des bureaux de poste a été moindre, les clients habituels ne se sont pas tous présentés dans les bureaux de poste. L’anticipation du versement et du retrait des prestations à partir du 4 avril sur les distributeurs de billets (DAB), avec des montants de retraits plus importants sur les DAB, la limitation des déplacements et la possibilité de report du paiement des factures sont probablement les conséquences d’un étalement de la période de retrait sur la semaine.” Ce qui revient à dire que des personnes dont le porte-monnaie est vide avant la fin du mois, n’ont pas retiré leurs allocations en début de mois suivant … et que ce n’est pas grave ?? Payer ses factures, oui, on peut le différer. Mais manger, ça “s’étale” aussi ?
Je passe, en ce temps de crise, sur les deux autres missions de service public : le service postal universel, assuré de façon intermittente, et le portage de la presse, de même. Sans doute n’est-ce pas absolument essentiel. Attention toutefois : car la tentation de réduire le nombre de passages du facteur à 5 par semaine est une tentation récurrente du groupe. Il faut toujours se méfier des mesures dites exceptionnelles, des temps de crise, qu’on s’empresse de pérenniser ensuite …
Je remercie mon collègue Pascal Méreau, maire de Villequiers, conseiller départemental et président de la Commission Départementale de Présence Postale Territoriale (CDPPT), pour l’échange que nous avons eu à ce sujet et pour sa vigilance.
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