Laïcité : cheminer ensemble
A l’occasion du séminaire de formation des élus organisé par le Centre Condorcet, il m’avait été demandé d’animer une table ronde sur la laïcité. Cela s’est avéré un excellent et passionnant exercice conduit avec Denis Lefevre, historien, Chahla Beski-Chafiq, sociologue, Pierre Cohen, ancien Maire de Toulouse et Didier Guillaume, sénateur.
La laïcité : enfin un sujet, pourrait-on dire, sur lequel tous les socialistes sont d’accord. C’est clair.
C’est clair ? Pas tant que ça. Pas tant que ça, c’est une évidence, pour nos concitoyens, surtout quand le Front National se mêle de préempter le mot pour le détourner de son sens. Pas tant que cela non plus pour les élus socialistes. Un gros travail de collecte de témoignages et d’expériences mené par Communes de France, la revue de la Maison des élus socialistes et républicains en témoigne.
Les différentes prises de position révèlent les sujets de débats, au sein même de la famille socialiste. Il y a ceux qui pensent – ce n’est pas mon cas – qu’il y a un déséquilibre qu’il faudrait corriger dans les rapports entre l’Etat et telle ou telle religion, notamment au détriment de la religion musulmane. Ceux, à l’inverse, qui militent pour que la neutralité imposée à tous les agents de l’Etat et, dans les établissements scolaires, aux enfants s’étende aux usagers d’autres services publics voire à l’ensemble de l’espace public. Ceux enfin qui défendent ce qu’ils estiment être l’esprit de la loi de 1905, une totale liberté individuelle et une absolue neutralité de l’Etat, garantissant l’égalité de tous et la cohésion sociale.
Il n’est pas anodin de constater les différences de propos selon le territoire d’élection des intervenants. Les élus des communes de banlieue, en région parisienne ou dans l’est de la France, ont en général des propos plus fermes que les élus des villes petites ou moyennes de province, avec le souci manifeste de protéger la liberté de chacun, à l’abri de pressions communautaires.
La laïcité, c’est l’absolue liberté de croire ou de ne pas croire ou encore de changer de religion. Pour que cette absolue liberté soit garantie à tous, aucune religion ne peut imposer ses normes et sa loi à l’Etat. C’est l’absolue de neutralité de l’Etat et des agents publics qui traitent chacun selon les mêmes règles – c’est donc l’égalité. La laïcité appelle à dépasser les différences pour rechercher ensemble ce qui réunit. C’est une condition indispensable pour permettre la cohésion de la société et pas une simple juxtaposition de communautés qui s’ignorent et, un jour, se détestent.
Les échanges au cours de l’après-midi ont permis de dire le désarroi de beaucoup d’élus pour se définir une ligne claire. Quand on décrit le concept, traduit dans la loi après un long combat et un vigoureux débat, les choses semblent s’éclaircir. Mais quand on tente d’y faire référence pour définir une règle d’action, cela se complique, la question de la restauration collective étant dans tous les esprits.
Il faudrait aller plus loin, ce que ce site ne permet pas de faire, pour approfondir le débat. Je retiens de nos échanges deux points principaux.
Sur la méthode : il faut parler de laïcité, rappeler sa définition, réfléchir, débattre, voir comment nous pouvons cheminer et surtout faire cheminer avec nous nos concitoyens pour nous réemparer collectivement de ce concept et le traduire concrètement dans nos villes et nos départements.
Sur le fond : nous devons faire la preuve que la laïcité est garante de la liberté et de la diversité, faire la preuve qu’elle n’est pas là pour imposer à tous “le motif de l’homme blanc” mais que dans le monde multiculturel dans lequel nous évoluons, elle est d’une évidente modernité pour permettre la vie ensemble. Je laisse la conclusion à Chahla Chafiq : “Allier défense de la laïcité avec lutte contre le racisme et lutte contre le sexisme est la meilleure façon de se réemparer du thème de la laïcité sans confusion possible avec l’extrême-droite”.
Cet article comporte 0 commentaires